Réunir 50 collaborateurs pour… jouer ?
L’idée peut surprendre. Pourtant, c’est exactement ce qu’a vécu cette entreprise spécialisée dans la maintenance industrielle, située entre Lyon et Grenoble. Face à des enjeux de communication entre services et à la nécessité de construire une stratégie RSE collective, nous avons conçu un serious game sur-mesure. Résultat ? Des prises de conscience immédiates, des volontaires motivés pour piloter la démarche RSE, et une cohésion renforcée entre des équipes qui ne se parlaient que trop peu.
Un serious game, ce n’est ni un team building déguisé, ni une formation classique rendue « fun » avec quelques quiz. C’est un dispositif pédagogique qui utilise les mécaniques du jeu vidéo ou du jeu de plateau pour atteindre un objectif sérieux : former, sensibiliser, faire évoluer des comportements ou favoriser l’intelligence collective.
Cette efficacité repose sur des fondements scientifiques solides. Yu-Kai Chou, designer de jeux et expert en gamification, a formalisé l’Octalysis Framework qui identifie 8 moteurs d’engagement (Core Drives) présents dans tout jeu réussi :
Un serious game réussi active plusieurs de ces moteurs simultanément, générant une implication immédiate et naturelle.
Le serious game contourne les mécanismes de défense psychologiques qui s’activent souvent en formation. Face à un formateur qui explique « comment il faut faire« , les participants développent naturellement des résistances : « oui mais dans mon cas c’est différent« , « c’est de la théorie, ça ne marche pas sur le terrain« , « on n’a pas le temps pour ça« .
Le jeu désactive ces résistances. Pourquoi ? Parce que personne ne vous dit comment faire : vous expérimentez, vous échouez (peut-être), vous ajustez, vous apprenez par vous-même. C’est du « learning by doing » à l’état pur. Les prises de conscience ne sont pas imposées de l’extérieur, elles émergent de l’expérience vécue.
Le serious game crée également des liens entre des personnes qui ne travaillent pas ensemble au quotidien. En constituant des équipes mixtes (services différents, niveaux hiérarchiques variés), on crée des interactions qui n’ont jamais lieu dans l’organisation habituelle. Le commercial découvre les contraintes du SAV, le technicien comprend les enjeux de la prospection. Cette transversalité est précieuse, surtout pour des sujets systémiques comme la RSE.
Enfin, le jeu crée un espace sécurisé pour expérimenter et se tromper. Dans le quotidien professionnel, l’erreur a un coût : temps perdu, client mécontent, argent gaspillé. Dans le jeu, l’erreur n’a pas de conséquences réelles, mais elle aide à comprendre le fonctionnement et les enjeux de l’entreprise. Cette liberté d’échouer sans risque libère la créativité et l’audace.
La RSE nécessite l’intelligence collective. On ne peut pas construire une stratégie RSE pertinente en vase clos, depuis un bureau de direction. Les meilleures solutions émergent du terrain, des collaborateurs qui connaissent les processus, les dysfonctionnements, les opportunités d’amélioration.
Or, les enjeux RSE sont par nature transverses. Réduire l’empreinte carbone implique la production, les achats, la logistique, le commercial. Améliorer les conditions de travail concerne les RH, les managers de proximité, les opérationnels. Structurer une relation fournisseur responsable mobilise les achats, la qualité, parfois la R&D. Ces sujets concernent plusieurs services.
Le serious game répond parfaitement à cette exigence de transversalité. Il réunit des profils variés autour d’une expérience commune, crée un langage partagé, fait émerger des prises de conscience collectives. Il prépare le terrain pour la suite : la construction participative de la feuille de route RSE.
Cette entreprise de 50 collaborateurs, implantée entre Lyon et Grenoble, intervient dans la maintenance industrielle. Un métier technique, exigeant, où la réactivité et la relation client sont cruciales.
Le besoin exprimé par la direction était clair : construire une stratégie RSE sur-mesure, en impliquant les collaborateurs. Pas une démarche descendante où le CODIR déciderait seul, mais une approche participative dans laquelle chacun pourrait contribuer. Cette volonté d’intelligence collective était d’autant plus importante que l’entreprise fonctionnait en silos.
Notre diagnostic RSE, réalisé en amont via des questionnaires anonymes, des interviews de parties prenantes (collaborateurs, actionnaires, fournisseurs, clients) et un entretien approfondi avec le CODIR, avait identifié plusieurs dysfonctionnements :
Ces constats, issus de l’expérience réelle des collaborateurs, devaient être partagés et appropriés collectivement.
Mais comment aborder ces sujets sensibles sans créer de tensions ? Comment faire prendre conscience de ces dysfonctionnements sans pointer du doigt ? Comment transformer une session de sensibilisation RSE en un moment fédérateur ?
La réponse : un serious game sur-mesure.
Nous avons conçu un jeu de plateau où chaque équipe gère une mission client de bout en bout. Les 50 collaborateurs ont été répartis en 6 groupes de 8 personnes environ, avec une règle stricte : des équipes mixtes, mélangeant les métiers, les sites, les niveaux de responsabilité.
Objectifs : faire prendre conscience des enjeux de l’entreprise identifiés, créer des interactions entre des personnes qui ne travaillent jamais ensemble.
La mécanique du jeu : chaque groupe démarre avec une trésorerie et doit mener à bien une mission client (installation et maintenance d’équipements). Le plateau représente les différentes étapes de cette mission, depuis la prospection initiale jusqu’à la facturation finale. Chaque case correspond à une avancée dans le projet et dans le temps.
Pour introduire du réalisme et de l’imprévisibilité, nous avions créé un système de cartes « Chance » : à intervalle régulier, les équipes tiraient une carte qui pouvait être positive (nouveau contrat, client satisfait qui recommande) ou négative (panne imprévue, retard de livraison, réclamation client). Ces aléas reflétaient la réalité du métier : on ne contrôle pas tout, il faut savoir réagir.
Le but du jeu : terminer la mission avec le maximum de trésorerie. Mais pour y arriver, les équipes devaient faire des choix stratégiques : investir dans la prévention ou gérer les problèmes au fil de l’eau ? Communiquer entre services ou avancer en silos ? Respecter les processus internes ou prendre des raccourcis ?
Six groupes, six plateaux, six parcours différents. Chaque équipe a vécu une expérience unique, issue des choix et des aléas rencontrés. Cette variété était voulue : elle allait nourrir le debrief collectif.
La session a réuni l’ensemble des salariés sur un format dense mais dynamique :
Dès le démarrage du jeu, l’engagement a été immédiat. Les rires ont fusé, les stratégies ont émergé, les débats ont animé les tables.
Notre rôle d’animateur externe était crucial : garant des règles, facilitateur des échanges, observateur attentif des dynamiques de groupe. Cette posture neutre, extérieure à l’entreprise, permettait une liberté de parole impossible si l’animation avait été assurée en interne.
Dès le lancement du jeu, l’ambiance a changé. Les 50 collaborateurs, réunis dans la même salle, ont basculé d’un mode « réunion d’entreprise » à un mode « on joue ensemble ». Les rires ont fusé rapidement, les échanges au sein des équipes se sont intensifiés, l’énergie était palpable.
Ce qui nous a le plus marqués : le respect spontané des règles. Dans nos ateliers d’intelligence collective habituels, il faut parfois rappeler les consignes, recadrer les discussions qui partent dans tous les sens, gérer les personnalités qui monopolisent la parole. Ici, rien de tout cela. Le cadre du jeu créait une discipline naturelle. Les règles étaient respectées parce qu’elles faisaient partie du plaisir de jouer.
Le serious game comportait des « pièges » pédagogiques : des situations où le non-respect d’un processus interne générait un problème coûteux, des aléas négatifs qui surgissaient parce qu’on n’avait pas anticipé, des missions qui échouaient par manque de communication entre services.
Ces « mauvaises surprises » étaient intentionnelles. Elles visaient à faire prendre conscience, par l’expérience vécue, de l’utilité de certaines pratiques jugées contraignantes au quotidien. Et ça a fonctionné.
Plusieurs équipes ont vécu des moments de frustration : « On aurait dû se coordonner avant !« , « Si on avait suivi le processus, on n’en serait pas là« , « On a perdu du temps parce qu’on n’a pas communiqué« . Ces verbalisations spontanées, c’était exactement l’objectif recherché. Personne ne leur disait « vous devez mieux communiquer » : ils le découvraient par eux-mêmes, dans le jeu.
Le moment le plus fort a été le debrief collectif. Chaque groupe a partagé son expérience, analysé ses choix, identifié ses erreurs. L’auto-réflexion était impressionnante : des collaborateurs qui d’habitude ne se parlent jamais débattaient ensemble des causes de leurs difficultés, proposaient des solutions concrètes pour le quotidien.
Les prises de conscience ont porté sur trois dimensions majeures :
Les feedbacks à chaud, recueillis pendant le repas partagé qui a suivi le jeu, étaient unanimes :
« C’était vraiment amusant, et en même temps ça nous a fait réfléchir. »
« Je ne pensais pas qu’on pouvait traiter des sujets sérieux comme ça. Ça change des réunions habituelles. »
« J’ai découvert ce que vivaient mes collègues. Je comprends mieux leurs contraintes maintenant. »
« Le jeu était réaliste, on s’est vraiment retrouvés dans les situations qu’on vit tous les jours. »
Au-delà de ces retours positifs sur la forme, l’essentiel était ailleurs : les volontaires pour constituer le comité de pilotage RSE se sont manifestés spontanément. Nous avions besoin d’un groupe transverse de 5-6 personnes, représentatif des différents métiers et sites. Nous avons eu nos volontaires, sans difficulté, avec un vrai enthousiasme.
Mission accomplie. Le serious game avait atteint ses trois objectifs : acculturer les collaborateurs aux enjeux RSE, créer de la cohésion entre services et sites, identifier les personnes motivées pour porter la démarche.
Le serious game n’était qu’une étape de notre accompagnement. Une étape cruciale, certes, mais pas une fin en soi. Après cette journée collective, nous avons enchaîné avec la constitution et l’animation du comité RSE.
Ce comité, composé des volontaires identifiés pendant le jeu, travaille actuellement à la construction de la feuille de route RSE. Nous les accompagnons pour prioriser les actions, identifier les ressources nécessaires, définir des indicateurs de suivi, planifier la mise en œuvre.
Ce qui est remarquable : les observations faites pendant le jeu nourrissent le travail du comité. Les dysfonctionnements vécus pendant le serious game deviennent des sujets de travail concrets. Les idées émergées pendant le debrief sont reprises, structurées, transformées en actions. Le jeu n’était pas un moment à part, déconnecté du reste : il était le socle de la démarche, le déclencheur de l’engagement collectif.
Un serious game efficace nécessite une préparation rigoureuse, ancrée dans la réalité de l’entreprise. Notre approche repose sur un principe : le jeu doit refléter les enjeux réels identifiés lors du diagnostic RSE.
Concrètement, nous avons collecté des données terrain via trois canaux complémentaires :
Cette phase de diagnostic, au-delà de sa finalité RSE classique (identifier les enjeux matériels, prioriser les actions), devient le matériau de base du jeu. Les situations vécues par les collaborateurs, les frustrations exprimées, les processus dysfonctionnels, les aléas récurrents : tout cela nourrit directement le contenu du jeu.
Une fois les données collectées et analysées, vient le travail de game design : transformer ces enjeux réels en mécaniques de jeu engageantes. C’est là que le cadre théorique de Yu-Kai Chou devient précieux.
Nous avons particulièrement travaillé sur cinq des 8 Core Drives :
Au-delà des Core Drives, nous avons également intégré les 4 types de « fun » identifiés par la recherche en game design :
Ces dimensions ne s’ajoutent pas artificiellement : elles guident la conception de chaque mécanique. Par exemple, le système de cartes « Chance » crée simultanément de l’Easy Fun (curiosité de découvrir la prochaine carte), du Hard Fun (gérer un aléa négatif), et du People Fun (décider collectivement comment réagir).
Concevoir un jeu sur le papier est une chose. Vérifier qu’il fonctionne en est une autre. Nous avons réalisé plusieurs sessions de test en interne pour valider deux dimensions critiques : la jouabilité et le fun.
La jouabilité, c’est la fluidité du jeu : les règles sont-elles claires ? Le rythme est-il bon ? Les mécaniques fonctionnent-elles ? Un jeu trop complexe perd les joueurs, un jeu trop simple les ennuie. Il faut trouver l’équilibre, surtout pour un public mixte en termes de profils et d’appétence pour le jeu.
Le fun, c’est l’amusement ressenti. Un serious game sans plaisir de jouer n’est qu’un atelier déguisé. Si les testeurs ne rient pas, ne s’enthousiasment pas, ne s’impliquent pas spontanément, c’est qu’il y a un problème. Nous avons ajusté plusieurs fois les mécaniques suite à ces tests : simplifier une règle, rééquilibrer la difficulté, ajouter des cartes « Chance » plus variées.
Nous avons également vérifié le réalisme des situations proposées. Les collaborateurs devaient pouvoir se reconnaître dans le jeu, retrouver leurs métiers, leurs processus, leurs contraintes quotidiennes. C’est ce qui crée l’adhésion et la pertinence pédagogique. Les ajustements ont porté autant sur les mécaniques que sur le contenu : reformuler une carte pour qu’elle sonne juste, ajouter un aléa typique du secteur, préciser une étape de la mission client.
Fort de cette expérience et des accompagnements que nous menons, nous avons identifié cinq ingrédients nécessaires à la réussite d’un serious game en entreprise :
1. Le sur-mesure absolu
Un jeu générique, acheté clé en main auprès d’un éditeur, ne fonctionne pas. Il faut que le jeu reflète l’entreprise : sa culture, ses enjeux, ses métiers, ses processus, son vocabulaire. Sans ancrage dans le réel vécu des collaborateurs, pas d’engagement. Les participants doivent pouvoir se dire « c’est exactement ce qu’on vit au quotidien ».
2. L’amusement avant tout
On ne le répétera jamais assez : un jeu doit être amusant. Si les participants ne prennent pas de plaisir, si on n’entend pas de rires, si l’ambiance est tendue, c’est que ce n’est pas un jeu, c’est un atelier raté. Le fun n’est pas accessoire, il est constitutif du serious game.
3. Des mécaniques simples pour traiter des sujets complexes
La RSE est un sujet systémique, complexe, multi-dimensionnel. Mais le jeu doit rester accessible. Un jeu trop compliqué frustre les joueurs et perd l’objectif pédagogique. La simplicité des règles permet de se concentrer sur l’essentiel : les choix stratégiques, les arbitrages, les interactions entre joueurs.
4. L’intégration des Core Drives de Yu-Kai Chou
Au moins 4 ou 5 des 8 moteurs d’engagement doivent être activés dans le jeu. Sans cette conception rigoureuse des mécaniques, le jeu risque de s’essouffler, de ne pas créer l’implication nécessaire. Il ne s’agit pas de cocher des cases, mais de comprendre ce qui motive les joueurs et de l’intégrer dans le design.
5. Un animateur externe neutre
Cela paraît évident, mais la posture extérieure de l’animateur est indispensable. Un manager interne ne pourrait pas créer le même climat de confiance. L’animateur externe garantit la neutralité, la confidentialité, la liberté de parole. Il est également garant des règles, ce qui évite toute suspicion de favoritisme ou de manipulation.
Le serious game n’est pas une solution universelle. Il ne convient pas à toutes les situations, à toutes les cultures d’entreprise. Mais quand les conditions sont réunies — un besoin de cohésion, des enjeux complexes à traiter, une volonté de participation — il peut générer des résultats remarquables.
Chez CS Transition, nous concevons des serious games sur-mesure pour les PME et ETI industrielles de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Grenoble, Lyon, Isère, et au-delà). Chaque jeu est unique, ancré dans le diagnostic RSE de l’entreprise, conçu pour répondre à ses enjeux spécifiques.
Notre approche repose sur trois piliers :
Vous vous demandez si un serious game pourrait répondre aux enjeux de votre entreprise ? Votre équipe gagnerait-elle à vivre une expérience collective autour de vos défis RSE ? Vous avez identifié des dysfonctionnements internes que les méthodes classiques ne parviennent pas à résoudre ?
Échangeons 30 minutes pour en discuter. Nous pourrons explorer ensemble si cette approche a du sens pour vous, identifier les objectifs à viser, esquisser les contours d’un jeu potentiel. Sans engagement, juste pour comprendre si nos façons de travailler sont compatibles.